Allez, on sort les vaches, Pioute

Cet article me coûte énormément. 

Je suis depuis fin mars/début avril chez le Big Boss, je l'ai dit dans le billet précédent.

Il s'est cassé la jambe en faisant du bois, donc il se balade en béquilles et je trais. Ce qui ne l'empêche pas de cavaler partout, en pestant contre "ces satanées cannes, dès que j'en ai plus besoin j'y fous le feu, jamais moyen de savoir où elles sont ! "

D'un certain côté, c'est une chance ; j'aurai pu profiter des derniers jours.

Parce que le Big Boss, il arrête le lait. 53 ans, il a trouvé un jeune qui s'installe en moutons laitiers bio, et lui a racheté les bâtiments et une partie des terres. Le Big Boss va continuer à élever des génisses si j'ai bien compris, mais le lait, c'est fini.

Depuis que j'y suis, je trais 13 vaches au lieu de 26.

Essentiellement des jeunes, dont j'ai trait les premiers laits, que j'ai fait vêler génisses. des A, des B, des C. Une S, Savate. Une Violette aussi. 

Que des Abondance, super belles, gentilles, douces. Qui m'ont inspiré déjà un billet, il y a presque un an et demi. 

Depuis que j'y suis, je profite de tous les instants, des engueulades comme des rigolades, de l'odeur de la ferme, de la laiterie, du goût de la tomme blanche. Je prends des photos, des vidéos. 

Je prends mon temps aussi. Je savoure le petit dèj en tête à tête avec le Boss, la vue qu'on a depuis la ferme.

Le Big Boss, c'est comme un oncle pour moi, presque un père, il a une fille de mon âge.

C'est un phénomène, connu dans tout le pays, excellent danseur paraît-il, la valse, le tango... Qui écume les bals et les soirées quand il est valide.

Très charmeur, dragueur, célibataire endurci et volontaire, pour toujours plus profiter de la vie.

D'une gentillesse et d'une générosité rares, pas chiant, pas emmerdant.

Ses remontrances et rappels à l'ordre sont toujours justifiés ; et ça ne dure pas des plombes. 

Et tout ça.... ça va être fini.

Les cafés le matin, un coup avant la traite, un coup après avant de sortir les vaches, ensuite le petit dèj, et l'aprèm, quand je reviens, on en reboit un avant d'aller bosser, on en reboit avant la traite...

La grande boîte de ricoré et le sucre sont toujours là, sur l'étagère, à côté des tasses, de la boîte à monnaie, et de la bassine pour la purge de lait.

Les tasses ont rarement le temps de sécher, et parfois j'amène les croissants ou les pains au chocolat pour après la traite.

Sa maman vient faire le lavage de la machine à traire tous les matins, elle a du mérite, quand on voit comme il la charrie !

Il m'appelle Pioute, se moque tout le temps de moi, arrive par surprise dans l'étable quand je suis occupée et rigole quand je sursaute "c'est pas chez moi que tu tomberas enceinte !" 

Il est blasé par mes bêtises, et parfois j'en rajoute. 

Je compte bien remonter, boire le café, blaguer. Mais ça sera pas tout à fait pareil....

Hier, jeudi de l'Ascension, j'ai travaillé pour lui, "bénévolement".

Ca fait presque trois ans qu'il me dit qu'un jour, faudra qu'il m'emmène au chalet à la montagne, voir comment c'est, comme c'est beau, visiter l'alpage.

Hier, on est donc montés, 11 en tout, partis à 9h de la ferme, trois 4x4, un tracteur, un chargement de provisions, des piquets, des masses, du fil.... pour clôturer l'alpage pour les génisses.

Le midi, mangé au soleil devant le chalet, tous en groupe. Tomme blanche, salade, patates sautées, "ventre de veau" fricassé (des tripes, de son dernier veau de lait), salade de fruits, tartes, café...

Pour repartir ensuite sur les pentes. 

On a bien cramé, on était bien fatigués, mais ça a été une journée magique.

Je suis descendue plus tôt de la montagne, pour traire mes vaches. 

Je n'ai revu personne hier soir, et ce matin, quand le Boss est arrivé, sa première question a été pour savoir si j'avais passé une bonne journée. Il a eu l'air heureux quand je lui ai dit que j'avais passé une journée formidable, la meilleure de l'année sûrement.

J'aurais aimé que ça dure encore quelques années, mais c'est comme ça...

Ca va me manquer, et si je vois partir les vaches à la vente, une à une, c'est sûr que je vais pleurer un bon moment....

Baronne

Canaille

Curieuse

Arquebuse

Amandine

Alouette

Beauté

Cybelle

Altesse

Violette

Savate

Coquette

Barbie

...

Ce week-end de l'Ascension, j'ai eu mon samedi de libre ; le premier depuis avril. Mais ça ne me manque pas d'avoir juste un jour de repos. En profiter au maximum....

Comments

[chat]

Je suis contente du coup d'avoir pu voir cette ferme avant la fin, et connaître le fameux Big Boss !

[M.B.]

Simplement pour te dire de ne pas pleurer, petite vachère, si tu vois partir les vaches du Boss....

Elles vont certainement continuer à donner leur lait, dans d'aures fermes...

Il y a des moments ou il faut prendre des décisions, pas toujours faciles !!!

Personnellement, à l'age de la retraire, j'ai vendu la totalité de mon cheptel de charolaises, qui, pour une grande partie, ont fait un grand voyage, depuis la Saône et Loire pour rejondre la Vendée... Au moment de leur départ, je n'ai pas eu de peine, car je savais qu'elles donneraient entière satisfactions à leur nouveau proptiétaire qui venait de faire abattre la totalité de ses bêtes, suite à une maladie....Par contre je fus très touché, lorsque deux ans après,au cours d'une visite chez cet éleveur, certaines vaches ont reconnu ma voix, quand je les ai appelées par leur nom .....

[fusette]

Le souvenir de cette page de vie restera..

Hihi ! .. le sursaut !

Lorsque ma jeune soeur était en alpage avec ses moutons, une année elle a été "serrée de près" par le patron venu la ravitailler..Sauf qu'elle a sifflé son border et lui criant "choppe-le !"le patron a eu très mal au "jarret" et n'a plus rien tenté..

[gene]

grosses caresses à toutes ces bonnes filles