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La Vachère d'A Côté
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7 décembre 2011

Caractères de troupeaux et troupeau de caractère

En réponse à Lilou dans son commentaire, je vais faire un peu de psychologie bovine.

 

Ca a l'air de l'inquiéter, la vivacité de ces bêtes.

Pour les premières, les quatre génisses au parc, c'est normal : la neige menaçait depuis deux trois jours, elles étaient contentes de nous voir, surexcitées par les premiers flocons... Rien que de très normal ! C'était de la vivacité, des bonds et des courses "de joie" !

 

Pour le troupeau sur lequel je suis depuis lundi après midi, j'ai dit

"Il paraît qu'elles sont vives, qu'on en pique certaines à l'ocytocine, et qu'elles le savent : donc coups de pieds assurés."

"Elles sont vives, speed, la première piqure va bien, la seconde saute tellement en l'air que je la fais dans l'encolure plutôt que la cuisse ; la troisième me tord l'aiguille, la dernière je tremble comme une feuille mais ça passe."

 

Donc, pour précision, je sais plus si je l'avais dit : certaines vaches ne donnent pas leur lait, parce qu'elles le retiennent, parce qu'elles ont un défaut d'ocytocine (l'hormone qui déclenche le relachement des sphincters de la mamelle, pour faire simple), ou autre.

Dans ce cas, en général, on les pique à l'ocytocine de synthèse : OCYTOVEM-R_medium

Ici j'ai quatre vaches à piquer, donc matin et soir, avec cette hormone (le tout même flacon).

1CC, en intramusculaire, dans la cuisse.

J'ai une aiguille en 1.6mm, celles avec l'embout rose. Ces aiguilles sont relativement longues et fines, pour des vaches. Je rappelle que c'est quand même du cuir qu'il faut percer, pas évident.

Et comme la majorité de tout le monde, une vache, ça aime moyen qu'on lui plante un truc dans la peau pour injecter un produit, fut-ce un liquide fluide (l'ocytocine, à part une légère odeur, ça ressemble à de l'eau).

 

Donc quand elles voient approcher, sachant que la traite a avancé et que ça va être leur tour, elles savent très bien qu'elles vont y avoir droit.

Donc elles sautent, tapent, tournent, m'écrasent... Font tout pour l'éviter, sachant qu'elles sont prises par la tête dans un truc qui les immobilise.

 

Hier matin, j'ai fait toutes mes injections sans problème, comme dans du beurre, elles n'ont même pas bougé. Faut croire que je sais bien les faire, que ce soit en IM ou sous-cutanée, je les fais jamais gueuler (oui, une grosse bête comme ça peut ruler (hurler, crier en savoyard) comme un veau au sevrage quand on la pique. 

 

J'ai dit aussi, lundi 

"J'ouvre le cornadis (c'est un système mixte : liens d'attache et cornadis) en bois, les vaches se ruent sur les abreuvoirs, se battent... heureusement qu'elles sont attachées !"

 

Toutes ne se battent pas ; là, j'en avais une, la pro pour ça, qui empêchait carrément sa voisine d'accéder à l'abreuvoir, elle la repoussait à grands coups de corne.

On les a échangées, la méchante est resté à sa place, et la petite a été échangée avec une grosse blanche teigneuse qui est la chef de la cornue maintenant !

 

Mais lundi soir, je ne sais pas depuis combien de temps les vaches étaient attachées, probablement un bon moment. Donc quand j'ai ouvert, forcément, elles se sont jetées sur la flotte, avec échange de coups de têtes pour établir la priorité.

Elles ne sortent plus que depuis deux jours ; donc les places dans l'étable étaient "à la rache", il fallait réétablir la hiérarchie.

 

Maintenant, quand j'ouvre les cornadis, elles ne sont plus aussi brutales. 

La dominante de la paire boit, l'autre attend son tour. (il y a un abreuvoir automatique pour deux vaches)

 

 

 

Sinon, quand on arrive sur un troupeau qu'on ne connaît pas, il y a forcément des tensions. Ici, ça a duré, on va dire, deux traites et demi.

 

On ne se connaît pas, ni d'un côté ni de l'autre : je ne sais pas comment elles vont réagir à mon toucher, ma présence, ma voix, ma façon de travailler ; elles ne savent pas ce que je vais leur faire, et comment.

 

D'un seul coup, on leur bouleverse leurs habitudes, et doublement ce coup-ci : elles n'ont pas été traites le matin, et le soir c'est une étrangère qui vient !!!

Une vache, ça a besoin de rythme, de régularité, de calme, de routine.

Alors voir leur quotidien transformé, ça les rend nerveuses.

Elles bondissent au lieu de faire un pas de côté, ont des réactions démesurées.

Je peux bien leur expliquer tant qu eje veux que je suis vachère, que je suis là pour les bichonner, etc... elles comprennent pas mes mots. Donc, on fait comme on peut.

 

Ce sont des animaux très gros, vifs, qui n'ont pas forcément conscience de leur puisance dans certaines circonstances.

Quand elles sont stressées ou effrayées, elles font comme nous : plus brutales, plus vives ! je sais pas vous, mais le nombre de fois où j'ai cassé un truc en l'attrapant, parce que je suis stressée...

Sauf que bon... une vache, ça fait 500 kilos quoi.

 

Il y a aussi l'agriculteur qui joue : un homme très calme aura des vaches ultrazen, paisibles ; quelqu'un de stressé, speed, aura un troupeau branché sur secteur. 

 

C'est systématique !

 

Et puis, quand je reprends un troupeau, même si l'agriculteur reste par là, si je m'en occupe seule (traite, fumier, alimentation... la base quoi), insensiblement, le "troupeau du patron" change et devient "mes vaches".

On s'habitude l'une aux autres et inversement, la familiarité s'installe, comme entre les gens !

Et on se permet des gestes, des mimiques, des attitudes qu'on n'aurait pas fait les premières traites.

 

Par exemple, j'ai une génisse fraiche vêlée, le veau est de ce week-end. 

Les deux premières traites, elle bougeait un peu, tournait à droite, à gauche, levait les pieds, sautait au plafond quand j'approchais.

Les deux dernières (mardi soir et ce matin), c'est complètement différent. Elle tourne la tête et me regarde, avec des grands yeux doux, quand j'arrive, ne se lève pas si elle est couchée et que je passe devant elle pour rentrer dans le cornadis ; se tourne et pose son menton sur mon épaule quand je suis à côté, colle sa grosse tête contre mes cuisses et ferme les yeux quand je viens la voir.

Elle ne lève plus un onglon quand je la prépare et la branche, on s'est habituées.

Pour d'autres, des plus vieilles, avec leur caractère de vieilles chieuses, je n'ai aucun scrupule à gueuler un coup ou leur coller une claque sur le cul quand je me prends un coup de queue trempée de fumier dans la tronche. 

Je n'ai plus de montées d'adrénaline quand elles lèvent le pied ou se balancent pour m'emmerder. 

On est devenues des copines, toutes. 

 

Quand j'arrive elles m'appellent, sont elles-mêmes, avec leurs caractères.

 

Les génisses les plus flippées ne sautent plus quand j'approche, c'est limite si elles s'appuient pas sur moi quand je les prépare !

 

Pour la traite "infernale" de lundi soir, on était toutes stressées : elles du changement, du lait du matin qui pesait dans la mamelle, du patron fiévreux, malade, qu'elles sentaient pas loin. Moi, du changement de ferme, de l'appréhension...

Là, ça va, on a pris notre rythme.

 

La traite, je l'ai déjà dit souvent, c'est un moment très doux malgré le bruit de la machine, l'agitation, et la rapidité quand je me déplace entre les vaches.

C'est l'occasion pour moi de les toucher, leur parler, les caresser, les masser ; leur prouver par mes gestes, ma voix, mon "aura" que je les aime et prends du plaisir à être avec elles. 

Et quand j'y arive, elles se détendent, se laissent gratter les oreilles et le chignon et trouvent ça agréable, s'étirent de tout leur long quand je leur masse le dos.

J'aime autant "perdre du temps" les premiers coups parce que je le passe à gatouiller, plutôt que perdre beaucoup plus de temps au fil des jours parce que j'ai pas réussi à établir un climat de confiance entre elles et moi.

 

Et le tempérament des premières traites n'est pas forcément significatif : certains troupeaux seront presque dangereux, traire relèvera de la haute voltige, puis se calmeront au point que les vaches pourraient supporter que je leur courre sur le dos en hurlant. (je l'ai jamais fait, les étables sont trop basses ! )

D'autres troupeaux seront tranquilles, voire tétanisés, et puis le temps passant ça deviendra de plus en plus remuant.

 

 

Mais de toute façon, quoi qu'il en soit, deux choses ne changent jamais : leur curiosité, leur gourmandise, et le plaisir de se faire gratter un peu partout l'hiver !

 

 

EDIT : en effet, il y a trois choses ! ;)

 

Et une photo de ma génisse si câline ^^ Photos-0105 

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Commentaires
Y
Pour les injections, c'est bien vrai, une fois la vache a poussé un hurlement pas possible (impressionnant, j'avais jamais entendu ça!) rien qu'en voyant la seringue approcher... elle bougeait dans tous les sens, écrasait sa copine, stressait tout le monde, a tordu la seringue, mais n'a pas bronché quand l'éleveur l'a piquée... Comme quoi c'est pas tellement la douleur qu'elle redoutait, mais l'acte en lui même... comme moi quand je dois subir la même! (pas l'ocitocine ein, vaccin ou prise de sang... la prochaine fois je ferais MEUHH aussi!)
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P
Y a pas de soucis pour les flux rss. :)<br /> <br /> <br /> Sinon pour la neige, c'est pas que pour les vaches. C'est valable pour les autres aussi. ;)
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L
Merci beaucoup !<br /> <br /> Pour les flux RSS, apparemment il n'y a rien à activer, c'est votre navigateur ou le logiciel qui s'en chargent ;)<br /> <br /> A moins que j'ai loupé quelque chose, mais sur l'aide de canalblog ils ne parlent pas d'activation !
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M
Une petite demande: vous serait-il possible d'activer les flux RSS? ainsi, ceux qui le désirent sauraient en temps et en heure que vous venez de publier un article, c'est assez pratique pour gérer la lecture des blogs favoris...
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M
C'est un article plein de tendresse. J'aime votre écriture spontanée, bien de la Haute savoie et que je reconnais entre toutes car j'ai habité 25 ans dans l'Ain et mon métier m'a amené à connaître des agriculteurs éleveurs. Je me délecte de vos récits qui me replongent dans des souvenirs agréables.
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