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La Vachère d'A Côté
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5 novembre 2011

D'un problème de pluriel de politesse qui dégénère en histoire de confidences

Pour rester dans les rapports avec les patrons, il faut bien aborder le sujet des "dialogues".

 

La plupart de mes agriculteur a une bonne trentaine d'années, et beaucoup aussi entre quarante et soixante ans.

 

D'emblée, quand je les rencontre, je les vouvoie. Bon, j'avoue, ceux qui ont mon âge, ou qui sont plus jeunes, en général je les tutoie (c'est arrivé que je les vouvoie les premières heures, et ensuite, je saute au "tu", parce que ça me perturbe trop de vouvoyer un tout jeune....)

 

En général, eux me tutoient. Certains, très peu, me vouvoient, mais ça me perturbe, j'ai tellement pris l'habitude d'être tutoyée que du coup, quand on me dit "vous", je perds tous mes moyens.

 

Je me rappelle toujours en rigolant du Big Boss, qui, lors du premier entretien téléphonique, ensuite à la première rencontre (quand j'ai signé mon contrat), et les premiers jours chez lui, était tout perdu : un coup c'était "tu", un coup "vous", et en prime il bafouillait !!!

 

Je l'ai toujours vouvoyé, tout comme le Grand Manitou.

 

J'avoue que pour le Big Boss, la tentation est grande de lui dire "tu", mais il me l'a jamais demandé. Donc... En plus, connaissant l'animal, c'est peut-être moins risqué de rester avec la distance que ça impose !

 

 

En général, mes patrons ont l'âge de mes parents, ou pas loin. Ici, monsieur Lola a l'âge de mon père, il m'a demandé (ainsi que sa femme) de le tutoyer : ça va tout seul, je n'ai eu aucun problème à m'y faire.

 

Par contre, Monsieur Garou, 33 ans, je le vouvoie, sa femme, 30 ans, aussi, et à part certains coups où ça me parait étrange, ça ne me pose pas de soucis.

 

 

Un seul de mes éleveurs, monsieur Bégonia, me vouvoie. Sa femme me tutoie, je la tutoie aussi. par contre, à lui, je dis "vous". Ca fait des dialogues un peu surréalistes parfois. Il n'a jamais réussi à changer de pronom en s'adressant à moi !

 

 

Par contre, c'est souvent que je me retrouve dans la situation précédente, à vouvoyer le patron, et tutoyer sa femme. A la longue, on s'y fait.

 

En général, comme je l'ai déjà dit, dès le départ je vouvoie : ça implique un respect et une distance qui m'arrangent : je suis leur ouvrière, pas leur grande copine, ni leur fille. 

Quand je passe au tutoiement (à leur demande), c'est bien évidemment toujours avec respect, mais aussi parce que je "sens" bien les patrons. Bon, à part s'ils se mettent en colère et exigent que je les tutoie, quand je le fais, c'est que je "passe une étape", un cap, une avancée dans la familiarité. Et la confiance. 

Par exemple, ça peut vouloir dire que je suis assez à l'aise pour me laisser aller à baver sur leur canapé ou leur fauteuil en dormant pendant la sieste (surtout ça en fait) ; que je peux m'aventurer à trimballer mon bouquin quand on rentre manger, puisque je vais lire après ; etc...

 

 

Ils ne sont pas très nombreux, au final. Parce que des patrons, c'est des patrons.

 

De leur côté, comme je le disais à Philomenne, ils me parlent beaucoup.

 

Quand l'image de l'agriculteur de base c'est la brute épaisse quasiment insensible, et taiseuse, je me suis vite rendue compte que c'est une "légende rurale".

 

Ca m'a même surpris au début (et ça continue, pour certains) de voir ce qu'ils peuvent me confier, à moi. 

Peut-être parce que je ne suis "que" la Vachère, que je ne suis là que pour un courte période bien définie, peut-être que ça vient de moi, que j'inspire la confiance, la sécurité, je sais pas.

 

Mais ils sont très très nombreux à me parler, que ce soie de "grands" discours, ou simplement une petite phrase lâchée comme ça, qui cache des montagnes d'émotions derrière.

 

Les relations avec les associés, les soucis familiaux, les engueulades de couples, les problèmes financiers, de terrains, de bâtiments...

Les enfances plus ou moins faciles, les choix qu'ils ont dû faire, ou pas...

 

Finalement, je les connais très bien.

Il va de soi que je garde tout pour moi ; quand c'est lourd, que je ne comprends pas, ou que j'en "souffre", j'en parle avec mon Normand, ou, plus souvent, avec ma mère : un mail, un coup de téléphone, ou la moitié d'une nuit autour de bières à discuter quand je retourne à la maison, je sais que le secret sera bien gardé.

Parfois, quand nos discussions sont fertiles, qu'on abouti à des semblants de solutions, je leur en touche un mot quand je les revois.

 

Je sais être délicate, parfois.

Quand je sens que ce qu'ils me disent est "sensible", je devine comment agir. Changer la "texture" de mon silence, le faire plus doux, attentif, discret ; ou au contraire les encourager, les relancer, d'un mot, d'une petite phrase. Parfois, entrer franchement dans le vif du sujet, poser des questions directes, qui touchent là où il faut.

 

Les moments sont variés, un trajet en tracteur ou en voiture, une pause, le café de 10h, autour d'une vache malade ou à surveiller, pendant l'observation d'un lot, ou quand on reste à admirer un paysage. Quand on travaille, les mains occupées, ou qu'on trait, en se croisant dans la fosse. De chaque côté d'une table de fabrication...

 

Dans ces cas là, ils ne s'adressent pas vraiment à moi, des fois si, mais c'est juste pour avoir un interlocuteur.

 

Ils se mettent en colère à cause des lois, des banquiers, des voisins, des syndicats. Je leur donne la réplique, les encourage à sortir leur colère, ça ne changera rien, mais ça détend. 

 

Quand je me fais engueuler parce qu'ils payent pour avoir le vacher et que je peux pas être là, je rentre la tête dans les épaules, je laisse passer au dessus, c'est pas ma faute, et ils le savent autant que moi.

 

Ces confidences sont à double sens. Quand j'ai quelque chose qui m'étouffe, un truc qui m'arrive qui me retourne, je leur en parle. Mon petit frère qui s'est (encore) gravement blessé, l'ambiance au village où j'ai grandi, une trop grosse engueulade avec mon Normand, le souci que je me fais pour mon amie qui n'est pas heureuse, des soucis de voiture, le besoin de décrocher, ou la "simplicité" de mon métier pour certains... 

Ils sont plus vieux, plus "sages", ont l'expérience derrière eux. Je pourrais être leur fille, petite fille ou petite soeur, ils me calment parfois, me conseillent, me font relativiser.

 

Je sais qu'auprès d'eux, mes problèmes seront bien gardés.

 

Dans ces cas là, que je leur dise "tu" ou "vous", ça ne change rien. 

 

 

Par contre, un problème qui commence à se poser à moi, c'est que mes beaux-parents, depuis deux ans et demi que je les connais, je les vouvoie. Et ils veulent que je les tutoie.

 

Autant j'ai pas de mal à faire le pas avec mes patrons, autant les géniteurs de l'homme qui partage ma vie... je peux pas. 

 

Allez comprendre.

 

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Commentaires
G
Moi aussi j'arrive pas à tutoyer mes beaux-parents. Alors que ça ne me gêne pas de tutoyer tata Louise, la soeur aînée de ma belle-mère.<br /> Va comprendre Charles :-)<br /> Et puis je tutoie toujours dans les commentaires de blogs, les questions dans des forums ou trucs comme ça.<br /> Par chez moi, on tutoie facilement, du moins les gens de notre génération. Chez ma soeur, on vouvoie même ses propres parents. C'est aussi un problème géographique tout ça!
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