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La Vachère d'A Côté

La Vachère d'A Côté
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13 juin 2019

L’élevage : entre mesquinerie, hypocrisie, et générosité

Comme je l’ai déjà évoqué, au contrôle laitier, j’ai deux types d’élevages : les caprins, et les bovins.

Par contre, j’ai plusieurs types d’éleveurs.

Déjà, les éleveurs caprins sont très différents des bovins. Je ne sais pas si c’est parce que je connais mieux les seconds, du fait de mes années en Haute-Savoie, mais je suis plus à l’aise avec eux en général.

Sur mon secteur, le plus gros troupeau, juste à côté de chez moi, est de 60-70 vaches environ ; le plus petit, pas très loin non plus, a 15-16 vaches. Sinon, la moyenne est d’une quarantaine de vaches, Le GAEC d’Andromède, où je suis salariée, a une cinquantaine de vaches et environ 150 chèvres.

Mes plus gros éleveurs sont en passe de devenir des bons potes ; malgré leur importance (deux frères d’une quarantaine d’années associés) ils sont parmi les plus humains de mes adhérents. Hormis leur confiance, (en périodes de gros chantiers comme les ensilages ou les foins ils me confient la traite), ils sont soucieux, prévenants, et attentionnés : à la première pesée de janvier je suis repartie avec un plein sac de cadeaux de Noël pour mon enfant ; pendant la très grosse chute de neige du 3 février, j’ai planté la voiture dans une congère sous leur ferme. Je suis donc redescendue à pied chez moi (3km) dans la burle et la nuit (il était 5h du matin), et suis remontée le lendemain de même (sans la burle et la nuit) récupérer ma voiture. J’ai croisé un des frangins, qui m’a passé un savon, en me disant que j’aurais dû venir prendre un tracteur pour redescendre, que j’aurais dû les appeler ils m’auraient fait taxi, etc… mais qu’en aucun cas je n’aurais dû faire les trajets à pied !

 

J’ai eu un hiver particulièrement dur. Très très très dur, le pire que j’ai connu je crois.

 

Début février j’ai fait un remplacement au pied levé (chez leur plus vieil ami, une 30aine de vaches laitières – il a été hospitalisé, et pour ceux qui le connaissent : IL EST TOUJOURS VIVANT, A BIEN REPRIS DU POIL DE LA BETE, et surtout IL N’ARRETE PAS !!!) de deux semaines. Pendant ce laps de temps, je n’ai négligé aucun de mes deux autres emplois, au contrôle laitier ou sur Andromède. Ce qui fait que je me suis tapé double, voire triple journée parfois…

En allant peser sur une ferme pas loin tôt le matin, traversant la commune pour aller traire et soigner, puis descendre mes échantillons, remonter soigner suivant l’heure, rentrer à la maison, et rebelote le soir.

Ce rythme de fou m’a bien fatiguée, et ce qui devait arriver arriva : je suis tombée malade.

 

J’ai chopé une bronchite, une BONNE bronchite. Me réveillant la nuit à bout de souffle sans arriver à respirer, en sifflant comme une crevarde, et comme c’était pas assez, à me taper des fièvres astronomiques (entre 39 et 41°C, moi qui fais maximum 38.5 en temps « « normal »).

Dans la foulée, une collègue a démissionné en se mettant en arrêt, donc j’ai récupéré une partie de ses pesées. Loin. 45 à 75 minutes de route aller simple…

Et comme je suis une tête de mule (pour ne pas dire pire…) j’ai lutté le plus longtemps possible.

J’ai fini par aller chez le docteur (après une semaine de fièvres très hautes, je prenais un doliprane 1h avant de partir travailler) qui m’a mise sous antibios (qui n’ont pas marché, il a fallu changer), et m’a obligée à m’arrêter une semaine.

Hors, j’avais pour les deux jours suivants des pesées merdiques : deux au bout du monde (45 min de route, et je suis la plus près), une troisième au bout du monde de l’autre côté, près de 400 chèvres, à trois (une peseuse en moins, on a galéré à trouver un remplaçant avec un créneau correspondant ; si je les plantais, on annulait purement et simplement la pesée).

J’ai appelé ma chef, et j’ai demandé à ce qu’on décale les pesées suivantes, j’assurerais ces trois-là.

Paye ton zombie sur mes fermes… je crois que j’ai un peu fait peur à certains éleveurs !

Au final, pendant plus de trois semaines, je n’ai pas dormi ou presque : soit je n’arrivais pas à respirer, soit je faisais de la fièvre, soit les quintes de toux me secouaient trop. Voire les trois à la fois.

Quand ça a commencé à passer, je me suis bloqué le dos. Quelque part vers le bassin, les lombaires, je ne sais pas trop, une douleur aigue m’empêchait de respirer à fond, de bouger correctement, de me coucher, retourner, assoir, baisser, porter… L’impression que ma jument de 2010 m’avait à nouveau piétiné au milieu d’une nuit.

Dix jours de plus à ne pas dormir. Et à assurer mes boulots.

Et tout au long de ces périodes, mon enfant, en souci, qui dormait mal, peu, voire agrippé à mon cou toute la nuit. Ventousé comme un bébé paresseux à sa maman, sauf que nous on était dans notre lit, à se réveiller toutes les 30 minutes pour vérifier que j’étais toujours là, me faire quelques caresses, bisous, deux ou trois « je t’aime maman », et se rendormir sur ma poitrine (qui sifflait, vous suivez ?)

 

Bref, j’ai souffert. Je n’ai d’ailleurs toujours pas récupéré. Mon mal de dos s’est estompé autour du 15 avril (date à laquelle ce gros malin de MonsieurPicass a cru bon d’essayer de se tuer ou estropier en débourrant un poulain, ce qui m’a encore valu quelques nuits difficiles).

 

Mes éleveurs bovins ont été compréhensifs, mes employeurs aussi. La plupart des caprins également.

Mais comme je l’ai dit, la mentalité entre les deux types d’élevage est très différente.

 

Contrairement à ce qu’on pourrait penser (à cause de l’imagerie populaire du chevrier post-soixante-huitard), je trouve les éleveurs de chèvres plus « durs ».

A part quelques exceptions (qui ont généralement moins de 100 chèvres - Par ici, le troupeau moyen est d’environ 130 chèvres/personne, mon plus petit troupeau a 40 chèvres (si tu me lis… sache que tu es un de mes éleveurs préférés, même si j’ai simplement remplacé chez toi ;) encore merci pour ton accueil et ton humanité), j’ai deux troupeaux de 50 têtes, un de 90 environ, et le reste est de 120, 150, 160, 200… chèvres. On est en binôme pour peser à partir de 200 chèvres environ (c’est aussi dû à la configuration de la ferme), et ensuite ça va jusqu’à 240, plus de 300, 400 et 500 chèvres (où là on est trois ou quatre – déjà évoqué dans un précédent article qui est actuellement hors-ligne)), ils sont plus nerveux, speeds, maniaques.

Avec eux, il faut que ça tourne, et on n’a pas le droit à l’erreur.

Plus ils ont de bêtes, plus ils sont désagréables, souvent. D’ailleurs, les deux fermes avec lesquelles ça a clashé pour moi, ce sont deux énormes élevages caprins. Jamais en bovins.

 

C’est une attitude que j’ai parfois croisée en Haute-Savoie (chez Monsieur Garou notamment) : ils payent (cher, certes), pour un service, donc on n’a pas le droit d’avoir une vie, des aléas, une santé… en dehors. On doit être en pleine forme, irréprochables, robotisés, quand on va chez eux.

On peut être malade comme un chien, ne pas avoir la possibilité de dormir depuis des semaines, avoir mal au dos… Ranafout’ ! on doit assurer !

 

Je crois que j’ai déjà parlé des pesées caprines et du logiciel merdique qu’on utilise (et là je cite mon formidable collègue qui s’occupe du paramétrage des smartphones etc…) : « c’est de la merdasse ».

Cette saloperie nous marque des erreurs pour rien du tout, affiche des messages d’erreurs inutiles (« quantité de lait incorrecte » quand on fait une faute de frappe, en supprimant la valeur entrée à l’origine et mettant « 70 » par défaut par exemple…), et est d’une lenteur incroyable.

Or, sauf cas pas trop courant, il faut que ça avance quand même : quand en vaches on a le temps de discuter, en chèvres ça va très vite : j’ai atteint un rythme de 220 chèvres/heure à peser : mesurer le poids de lait, le rentrer dans l’ordinateur, vider le tube, remplir l’échantillon, etc.

Chaque crasse que nous fait ce logiciel déjà lent à la base nous ralentit un peu plus.

 

Quand ça va vite, on n’a pas le temps de tout vérifier, le poids de lait de la pesée précédente, celui du jour… pour relever les incohérences.

En bovin, quand les poids sont trop différents (par exemple, le mois dernier Phébé a fait 186, aujourd’hui elle a fait 42, ou inversement), on a un message d’erreur : « il y a une forte différence de quantité, voulez-vous quand même valider ? », en caprin, que dalle !

Donc quand ça va vite, on n’a pas le temps de vérifier que la chèvre 13548 a fait ce soir 32, alors que le mois dernier elle avait fait 32 (c’est le lait total qui est mentionné : donc le double de la traite, lait total sur la journée), soit 16/traite, donc qu’il y a un souci.

Le souci dans ces cas-là, en général, c’est que le tube de la chèvre précédente n’a pas été retiré et une deuxième chèvre a été traite par-dessus.

Normalement, la « zapette », l’encodeur, nous dit « tube déjà attribué » quand on veut mettre une autre chèvre dessus. Mais c’est souvent que les chèvres font plusieurs passages parce qu’elles n’ont pas été traites du premier coup, donc… des choses nous échappent parfois.

Je le rappelle, ça va vite. Et quand on encode (qu’on associe une chèvre et un tube), c’est généralement déjà trop tard pour réparer, la chèvre est déjà en train de traire par-dessus. Il faudrait noter le numéro de la chèvre d’avant sur le tube, ou bidouiller, mais ça prend du temps, et il faut aller vite.

Alors on avance et c’est tout. En théorie quand ça va trop vite ou qu’on galère, on peut demander à ralentir ou faire une pause ; on DOIT demander, d’ailleurs. Mais en pratique c’est plus compliqué : les éleveurs caprins en général n’aiment pas quand ça traine, et plus les troupeaux sont gros, moins ils aiment ça.

L’ambiance se dégrade assez rapidement quand on interrompt trop souvent.

A la fin, suite à ces erreurs, on « perd » des chèvres : certaines n’ont pas de poids de lait ni d’échantillons, etc.

Ca arrive aussi en plus petits troupeaux, il suffit que l’éleveur et/ou le peseur ait la tête ailleurs pour qu’un tube soit oublié entre deux chèvres. Mais chaque fois que j’y ai été confrontée, ils sont beaucoup plus philosophes : soit on met « non contrôlée » sur la ou les chèvres et elle sera contrôlée la prochaine fois, soit on divise par deux au doigt mouillé le poids de lait en se basant sur le poids précédent, on fait deux échantillons avec un seul lait, et l’éleveur note quelque part que ces deux chèvres sont mélangées : les taux ne seront pas « justes », mais en cas de cellules, déséquilibre, etc., il saura quelles chèvres sont concernées et affinera lui-même avec une analyse à part, ou à la prochaine pesée.

 

C’est assez paradoxal, ce comportement du « je paye, tu me dois » : le service est cher, c’est vrai, mais un éleveur de plusieurs centaines de chèvres perd moins si on perd 10 chèvres, qu’un éleveur de 50 chèvres si on en perd 2.

L’adhésion est calculée au prorata du nombre de bêtes sur la liste, et des services souscrits (conseil, pesée des chevrettes, suivi de l’état corporel, rations, etc…) ; mais le prix de base reste le même, et donc plus important dans le budget d’un petit éleveur que d’un gros.

 

Or, pour la plupart des « gros », ils sont les seuls à travailler manifestement. Pour eux, nous on se balade en voiture, on attend que la traite se passe, et ensuite on fait du canapé.

Alors que rien que le peseur lambda de base qui a un minimum d’heures en fait bien plus que ça : il prépare la pesée en amont, prépare ses appareils, son matériel, les vérifie, télécharge l’élevage et vérifie que tout est complet, pense à 1000 petits trucs pour tout mettre en place, se lève bien plus tôt que l’éleveur, parce qu’il fait la route (ma collègue du Sud-Ardèche a une pesée à 1h40 de route ! – moi j’ai plusieurs pesées à 45 minutes, voire 1h de route de chez moi), arrive suffisamment tôt pour installer son matériel (en moyenne, pour moi, 15 minutes avant l'heure de début de la traite, mais c’est parfois 30 ou 45 minutes de mise en place)… rien que ça, pour une ferme à la con un peu loin par exemple, si la traite commence à 6h, il faut que je sois à 5h30 sur place, donc que je parte à 4h45 de chez moi, donc que je me lève autour de 4h… Si mon planning est mal foutu, la veille je suis rentrée de pesée à 22h ou minuit, le  temps de manger me laver et me coucher, bah… je suis moyennement fraîche le lendemain matin.

 

Il se tape la traite en étant en tension, devant faire attention à tout, aux conneries éventuelles de l’éleveur comme aux siennes, tout en faisant son boulot de pesée… et en gardant éventuellement un œil sur les bêtes, pour signaler les anomalies, un abcès percé, un œil gonflé, une boucle manquante…

 

Ensuite, à la fin de la traite, il faut finaliser la pesée, finir de peser et échantillonner les dernières chèvres, tout en vérifiant que tout est en place pour le lavage, faire un peu un compte rendu à l’éleveur et corriger les erreurs (une date de mise bas que le logiciel a décidé de supprimer, les chèvres mortes ou vendues, les mises-bas qui ont eu lieu depuis la dernière fois, la création des dossiers complets des chèvres ou chevrettes non enregistrées… ça peut être trèèèèèèès long… N’est-ce pas Victoria ?) tout en surveillant le lavage et vidant les tubes entre chaque cycle.

 

Ensuite, tout démonter, remettre dans les caisses et les sacs, charger dans la voiture, et reprendre la route. Si on a du bol, on rentre directement à la maison. Si on en a moins, il faut faire un détour ou carrément un trajet en plus pour aller poser les échantillons au point de collecte.

La joie.

Et on recommence le soir !

 

Je le répète, la plupart des éleveurs sont humains, et généreux.

Mais malheureusement, beaucoup des « gros » sont des vraies « pinces ». Quand un petit, tout petit éleveur me charge la voiture de fromages, œufs, et puis tiens, une salade par-dessus, quand je repars, certains gros ne payent même pas le café ou un coup à boire à la fin de la pesée.

Au final je m’en fous : quand l’ambiance est mauvaise, je n’ai pas envie de m’attarder. Mais c’est dommage, et un cercle vicieux (ou vertueux) : un éleveur compréhensif et humain donne plus envie de se plier en quatre pour lui qu’un qui râle systématiquement.

D’ailleurs, ceux avec qui ça se passe bien, voire très bien, je n’hésite pas à leur filer un coup de main pendant la traite, en vaches ou en chèvres ; pendant le lavage, je donne le foin, nettoie ou balaie la salle de traite, reboucle une bête… pour avancer un peu l’éleveur que j’ai toujours un peu mis en retard avec ma présence (surtout en caprins).

 

Au final, les uns comme les autres, sauf exception, on les voit une fois tous les 30/40/60 jours ; mais une pesée plombante met tout le monde mal à l’aise, que l’éleveur paye plus que son voisin ou pas…

 

 

 

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26 décembre 2018

Grosse fatigue

Sur la ferme où je suis embauchée pour remplacer, on a, comme je l'ai déjà évoqué, une cinquantaine de vaches laitières. Une grosse cinquantaine. (52 en traite, plus deux taries dans le troupeau, plus une à la gestation arrêtée qu'on engraisse).

Pour la salle de traite, comme je l'ai déjà dit, c'est une tpa (traite par l'arrière) de 12 postes.

8 avec décro, et 4 sans.

En fait c'est une ferme "mutante", toujours en évolution, la salle de traite a été faite par Aimable-Charmant, l'associé avec lequel je travaille le plus, en deux fois (au moins) : d'abord les 8 places, puis une extension a été réalisée pour passer à 12.

Il faudra que je revienne sur cette capacités que les frères ont à évoluer, à projeter.

Hier encore ils discutaient d'une amélioration, des barrières à mettre au bout de l'aire d'attente pour que les vaches ne viennent pas salir (ils sont névrosés de la propreté) et qu'elles arrêtent de bouloter la griffe du bout de quai. C'est quelque chose à voir, ils discutent d'un truc, regardent un peu, rediscutent, et paf ! on revient quelque temps après et ça a changé.

Quand je discute avec Aimable du passé de la ferme (ce que j'adore, j'aime entendre les histoires des fermes et des bâtiments), je reste scotchée : dans la salle de traite des vaches, avant il y avait le petit roto des chèvres, qui a été déplacé là où est la salle de traite actuelle des chèvres, puis quand le roto a rendu l'âme, un quai de traite a été fabriqué.

Ce n'est pas fini, tout est encore en train de changer.

Il faut quand même souligner que ce n'est pas courant dans le milieu agricole, autant de mouvement.

 

Bref.

 

La semaine passée, j'y suis allée tous les jours : soit en pesée, soit pour traire, je n'ai pas décoincé.

Le mercredi soir, Aimable n'était pas là, donc je trayais avec son frère. Des vaches étaient en chaleur, donc on les a attachées dans les logettes après la traite pour qu'elles ne mettent pas trop le bazar pendant la nuit.

Jeudi matin, traite avec Aimable, en nettoyant les logettes on se rend compte que deux des vaches se sont détachées. Bon, ça arrive.

 

On passe le premier quai, on n'a même pas le temps de laver les premières vaches que... pouf. Celle qui était très agitée la veille, qui s'est détachée dans la nuit, a fait la foire toute la nuit, est fatiguée.

Elle s'est couchée en plein milieu de la salle de traite.

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Pas moyen de la lever, on finit donc de traire le quai, elle se lève quand on ouvre la salle de traite, on l'intercepte, la repasse au troisième quai.

Là, on a le temps de la laver, de la brancher... et pouf.

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Trop trop fatiguée !

Bon, du coup, on ne l'a pas traite. Mais dès qu'elle est retournée avec les vaches, elle s'est remise à cavaler, chevaucher les autres, courir partout... On l'a donc rattachée dans la logette : il est encore trop tôt pour la réinséminer.

Je n'avais encore jamais eu de vache qui se couche en salle de traite parce qu'elle a trop fait la bringue ! Maintenant, c'est fait.

 

Comme quoi, on en apprend tous les jours...

(vous remarquerez au passage la propreté des tapis et sols de la salle de traite - hormis les bouses de la vache couchée, la 0906 (Aimable ne retient pas les noms, donc il ne les baptise plus, à mon grand regret, qui ne retiens pas les chiffres...), puisque la salle de traite est lavée à la brosse et au savon après chaque traite, tout est nettoyé au surpresseur, et rincé au gros jet d'eau entre chaque lot ou presque...)

25 décembre 2018

Lever de soleil

Je parle souvent de la beauté des paysages, ici.

 

J'ai pris ces photos au cours du mois de décembre, en revenant d'une des pesées les plus éloignées de mon secteur.

Je suis toujours subjuguée par ce village.

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6 décembre 2018

Rémanence

Ce soir, je suis rentrée de ma pesée en pleurant à chaudes larmes et gros sanglots.

Pas en raison de la pesée, de l’éleveur, ou de problèmes sur son troupeau (même s’il est plutôt poissard), ni en raison de soucis personnels.

 

C’est beaucoup plus simple, et crétin.

Cet éleveur utilise le même savon à mamelles que Monsieur Violette.

Quand je suis rentrée dans l’estanco où il y a l’évier, les savons, produits, et où il met ses lavettes à tremper, je me suis pris une grosse, très grosse bouffée de nostalgie et de mélancolie.

 

Avec l’éleveur on a discuté un moment de vaches, de leurs personnalités, j’ai évoqué ma Gala douce, qui se cachait derrière moi-même quand elle était grande, pour que les autres ne l’embêtent pas, de mes Rosine et Oasis, quand j’étais ado…

 

C’est peut-être un peu tout ça.

 

Donc, j’ai salué l’éleveur et son père, suis montée dans ma voiture, ai quitté la ferme, et me  suis mise à sangloter.

Un sentiment de manque, de chagrin, de bonheur enfui m’a submergé comme une vague.

Ma ferme à Bisounours me manque depuis le dernier jour où j’y ai travaillé. J’y pense souvent, même si j’évite de trop me pencher sur le sujet, ça fait encore trop mal.

Cet éleveur était le plus humain que j’ai rencontré, les rides qui plissaient son visage quand il souriait, toujours largement, illuminaient tout même quand les journées étaient sinistres.

Sa mère, douce, chez qui on buvait du thé au jasmin dont je n’ai jamais retrouvé le goût nulle part, et qui nous faisait toujours des pâtisseries à tomber par terre.

Son fils cadet, dont j’étais un peu amoureuse, tellement gentil et avec un si beau sourire.

Et, évidemment, le troupeau, sur lequel j’ai déjà écrit des tartines.

 

Ces gens et cette ferme m’ont rendue plus heureuse et vivante, et entière, que peu depuis. A part ma  fille.

 

Sauf que c’est fini, fini fini, je ne pourrai plus jamais revivre tout ça, sauf en pensées et en rêves.

Il a liquidé une bonne partie du troupeau, arrêté le lait (en théorie), et on a tous vieilli.

 

Il ne me reste que des souvenirs, et des odeurs… Et ça me chagrine…

24 octobre 2018

Back on the saddle again

Après les championnats de rodéo de cet été sur la commune (j'y ai seulement assisté, j'ai passé l'âge de ces conneries), l'"automne" est venu, avec ses tentations, ses résolutions... et ses propositions.

 

C'est ainsi que j'ai fait (encore) une traite un soir pour dépanner un de mes éleveurs de pesées (il habite juste à côté, et j'aime beaucoup aller chez lui : salle de traite par l'arrière super lumineuse, vaches bien dans leur tête et calmes, et jolies, éleveur sympa...) ; dans la foulée, une pesée s'est passée un peu différemment ailleurs.

Je n'étais pas très à l'aise sur cette ferme : pas très gros troupeaux, mais il y en a deux : une cinquantaine de vaches, environ 120 chèvres.

Je comprenais mal leur humour, leur façon de faire (c'est la première fois que je vois laver la salle de traite à la brosse et au savon après chaque traite, et une partie de l'aire d'attente entre chaque lot au jet)... Je restais perplexe.

Et un jour, en pesée, plusieurs vaches au pot au cours de la traite. La salle de traite est une tpa (traite par l'arrière) de 12 postes, les mêmes que chez le Grand Manitou. Avec le décrochage automatique, il faut passer le poste en "manuel" quand on trait au pot, sinon le décro, ne voyant pas de lait, débranche la vache rapidement.

Là, ils avaient la tête ailleurs, et ont oublié le manuel plusieurs fois.

Jusqu'à présent, je restais bien dans mon rôle de peseuse, sans toucher une vache hormis pour remonter une griffe qui souffle ou en remonter une qu'un vache aurait décroché d'un coup de pied.

Je devais avoir aussi la tête ailleurs, puisque, par réflexe, voyant des vaches décrocher trop tôt et personne en salle de traite (ils râclent les logettes, font boire les veaux...), sans réfléchir ni me poser de question, j'ai rebranché les vaches en question, appuyant sur les boutons de démarrage de la griffe, celui du mode manuel... sans réfléchir ni même regarder mes mains. Pour faire clair, le pilote automatique s'est activé.

Sauf qu'un des éleveurs est arrivé dans la salle de traite à un de ces moments et m'a vue.

Je me suis sentie un peu mal, un peu coupable, prise en flagrant délit de zèle pour accélérer la traite (si je n'avais pas rebranché les vaches, elles auraient été plus longues à traire ensuite...), à toucher à des trucs que je n'étais pas sensée toucher.

J'ai expliqué sans fioritures, "tu avais oublié le décro, donc ça les a débranchées, je les ai rebranchées du coup", et il me semble que c'est ce moment là qui a été un peu "charnière", un basculement subtil.

On avait pas mal discuté, ils connaissaient mon passé et mon parcours, mais j'avais soigneusement gardé mes mains dans mes poches jusqu'à présent, donc je pouvais très bien être simplement grande gueule.

Le dimanche qui a suivi, en fin de journée, j'ai reçu un sms de la part d'un des associés : il est élu à deux trois trucs, avait une réunion prévue le lendemain matin, leur apprenti est en cours, est-ce que je peux venir traire ?

 

Et voilà.

Je suis à nouveau salariée au service de remplacement, affectée à cette ferme, pour quelques heures par mois pour mandat pro.

Je commence à bien connaître les vaches (au bout de trois traites et quelques pesées), j'ai bien pris mes marques. En vaches je n'ai fait que la traite.

 

Et là, je vais faire la semaine entière. En chèvres. La compagne de l'élu conduit le troupeau de chèvres, et ils veulent partir en vacances avec les enfants. Donc l'apprenti (que je connais, fils d'autres de mes éleveurs de pesées, et je l'apprécie beaucoup) sera aux vaches, tandis que je serai aux chèvres.

Lundi matin j'ai fait les vaches (côté gauche de la laiterie), lundi soir j'ai fait tout aux chèvres (côté droit).

La patronne a trait les vaches avec l'associé restant, pendant que je m'occupais des biques ; elle était à côté, prête à répondre aux questions et sollicitations, mais pas derrière mon épaule non stop.

Elle a géré comme rarement ma "formation", me donnant les indications précises et claires dont j'avais besoin, et me laissant me débrouiller tranquillement.

 

Pour la première fois depuis bien longtemps j'ai retrouvé cette galvanisation, cette énergie et cet enthousiasme.

J'ai retrouvé les gestes appris et mis au point pendant ces années ; balayer un couloir d'alimentation, repousser au balai la farine et les granulés, dérouler une balle ronde, faire un tas de fourrage à la fourche et le pousser le long du couloir, secouer les tas de fourrage pour les dépoussiérer et rendre plus appétents...

Des gestes qui m'avaient manqué sans que je m'en rende compte, des sensations (j'ai des épaules !!!) que j'avais oubliées... j'en aurais pleuré.

Je suis super motivée, le contrôle laitier reste prioritaire, on s'organise en fonction des pesées. Et entre les pesées, les traites.

Ou pendant, parfois. Ca dépend de la tête de l'éleveur, de mon humeur, et du troupeau... des fois je reste à ma table, des fois je suis sous les vaches.

 

Je suis de retour.

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11 avril 2018

Ah, les vaches.... leurs éleveurs... les chèvres...

J'ai plusieurs articles en attente (d'écriture, rien n'est rédigé), et plein de photos...

Mais je manque un peu de temps, avec un bébé qui ne dort pas en ce moment, et qui passe la majeure partie de son temps éveillé dans mes pattes ou à vouloir regarder l'écran.

Je m'y mettrai, bientôt.

 

En attendant, sachez juste que j'aime mon métier, même si le remplacement me manque terriblement ; que ça se passe, je crois, super bien, en tout cas je n'ai pas eu d'échos négatifs sur mon travail, même plutôt le contraire.

Je suis presque à la moitié de mon troisième mois, donc troisième pesée chez certains éleveurs.

Première pour d'autres, en caprins, qui commencent tout juste la campagne avec les mises-bas saisonnières.

 

Pour ceux que je revois, les rapports sont de plus en plus simples et cordiaux, voire amicaux ; on blague, on est contents de se voir, on discute à bâtons rompus, et suivant les fermes, je me permets même d'aller trainer un peu entre les vaches, voire d'aider à la traite pour une, mais chhhut... je ne suis pas sensée le faire.

 

Je suis subjuguée par les levers et couchers de soleil sur mes hauts plateaux quasi désertiques et franchement arides, les reliefs me laissent pantoise. J'admire, m'emplis les yeux et le coeur de beauté, et manque trois fois par kilomètre, au minimum, de me planter dans le talus ou dans le trou (à ce niveau, c'est plus des fossés mais des précipices).

 

Je me régale... Je reviens vite raconter !

11 février 2018

Ca continue...

J’ai continué et fini ma semaine, pas seule pour la fin.

 

Jeudi matin, encore une petite ferme de vaches, au pot, sous la neige.

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Un éleveur sympa, qui m’a dit avant qu’on se quitte "c’est agréable d’avoir un peseur qui connait les bêtes et le métier !"

 

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L’éleveur trait sa vache au pot, m’amène le pot et le nom de la vache, je vide le pot dans mon seau, entre le nom de la vache dans le smartphone, pends le seau au crochet (ou peson) que j’ai taré avant de commencer, lis la valeur, l’entre dans le téléphone en hectolitres (donc 8,3L, je rentre 83) qui m’indique le numéro de flacon correspondant pour l’échantillon, prélève mon échantillon avec la louchette spéciale, et vais vider mon seau dans la boille ou le tank. Et on recommence.

 

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Jeudi soir, une des plus éloignées du secteur : une petite cinquantaine de vaches, bâtiment flambant neuf et super bien isolé (heureusement, vu la température...), salle de traite Westfalia 2x4, et bagues au paturon pour le contrôle des vaches. C’est super simple.

 

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Les vaches rentrent sur le quai, avec le "bâton" (le truc bleu sur une des photos d'un article précédent) je bippe le tube de mesure (une puce est sous chaque caoutchouc, à la base), le smartphone l’enregistre, puis je bippe la bague (donc la vache correspondante ; sur cette ferme les bagues sont aux pattes avant, pour éviter les méprises avec les bracelets de traitements). Donc pour le poste de traite 1, j’ai le tube A par exemple, et la vache 1a. Etc pour les autres.

 

Quand une vache est finie, je récupère le tube (je l’échange contre un vide), bippe la puce à la base, lis la graduation, et entre directement la quantité sur le smartphone. Je prélève mon échantillon, et on continue.

 

Si je prends du retard, je peux stocker les tubes (dans un seau, une caisse...) à la verticale, et entrer la quantité ensuite, sans risquer de m’emmêler les pinceaux ou d’échanger le tube de Jolie avec celui de Licorne.

J’ai fait cette traite avec le Chef, qui m’a supervisée et expliqué le fonctionnement.

 

Quand il n’y a pas de bague de paturon, même concept, sauf qu’au lieu de bipper la vache, on entre manuellement le nom ou le numéro d’oreille. 

 

Pas compliqué, on a le temps, une vache met quelques minutes à se traire.

 

A part la prise en main de l’application, rien de nouveau pour moi.

 

Et il y a eu vendredi soir.

Premier troupeau de chèvres.

L’horreur.

 

Déjà, dégât sanitaire à la maison, heureusement l’homme était en congé, donc il a assuré. Mais j’ai pas vu l’heure, et suis partie à la bourre.

 

J’ai fait la pesée avec un collègue, qui ne fait que les chèvres.

 

Là, c’est sur ordinateur. Et manuellement.

 

Je suis arrivée la machine à traire tournait, une trentaine de Saanen étaient sur le quai de traite. Il y avait des chats aussi (j’aime pas les chats, de moins en moins à vrai dire. Depuis la mort du Chacon et la disparition de La Chat, il y a plus ou moins un an, je ne veux plus en entendre parler.

Le bruit était assourdissant, j’étais vraiment pas à l’aise d’être en retard, même si j’ai été excusée sans problèmes.

 

Ici, pas (encore) de bagues ni de bip de tubes : la trayeuse passe devant le quai de traite, et donne (crie) les numéros d’oreille de chaque chèvre : cinq chiffres à chaque fois... 

on les note sur une feuille volante, en face de chiffres "fixes" de 1 à 30 à peu près. La trayeuse compte les chèvres, et les marque de 5 en 5.

Ainsi, elle nous donne le tube de "la 12" par exemple, on regarde sur la feuille à quel numéro d’oreille ça correspond (genre 83072), et tape sur l’ordinateur ce dernier numéro. Touche entrée, ça met la ligne de la chèvre en surbrillance, je rentre la valeur en hectolitres (à moins de 400g la bête est "non contrôlée"), puis touche "espace" pour revenir à la boîte de dialogue de sélection d’animal.

 

On prélève, et on continue. L’intérêt, là, c’est qu’aucun flacon d’échantillon n’est attribué à une chèvre : la première chèvre prélevée va dans le flacon n°1, et ainsi de suite. Heureusement, quand on sait que j’aurai des troupeaux jusqu’à plus de 500 têtes...

 

Mais ça va HYPER VITE. 

 

Dans l’absolu, je ne suis pas trop inquiète : je ferai au moins quatre pesées accompagnée (dont trois avec ce collègue très compréhensif et rassurant, et disponible si j’ai besoin d’aide), et j’ai déjà travaillé en usine, à la chaîne. Je me souviens que les premiers temps on galère, on n’arrive pas à suivre, et assez rapidement on prend le rythme, puis on a même du temps en plus. Quand je faisais les 3x8, je m’endormais souvent debout pendant deux ou trois heures, tout en travaillant, et sans me presser. Et je me permettais même de "prendre du retard" pour souffler, quand j’étais en bout de chaîne, en rattrapant sans difficultés.

Pas de raisons que ça soie différent.

 

J’ai exprimé mon inquiétude face à mon collègue, avec ma dyscalculie et les numéros à rallonge, et la complexité du logiciel.

Il m’a rassurée, il trouve que j’apprends très vite, et pour les numéros, m’a dit qu’ils sont assez récurrents. En clair, il ne se fait pas de souci pour moi !

C’est rassurant et encourageant, moi qui avais l’impression de ramer...

 

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Mardi matin je refais une traite avec lui, un autre élevage, juste en face de là où on était. Un roto cette fois-ci. Je ferai des photos, je n’ai encore jamais vu ce système en action.

Mais de ce qu’il m’en a dit, c’est folklo niveau logistique la pesée là bas...

 

Sinon, lundi matin, toute seule en tout électronique, la ferme de vaches juste à côté de celle de jeudi soir, une des plus éloignées de mon secteur. Une soixantaine de bêtes d’après le téléphone.

Ensuite, mardi soir, chez mon voisin, à 2km de la maison. 

 

Mercredi matin, en chèvres encore, avec le collègue, mais pas de pesée le soir parce que c’est la St Valentin, et le restau qui embauche le Viking sera ouvert.

 

Ensuite, jeudi matin, rendez-vous avec le Chef dans une ville voisine, pour qu’il m’explique le dépôt des échantillons.

Vendredi, à voir suivant l’organisation.

 

Et puis la semaine suivante, j’ai deux pesées par jour. 

Et puis ensuite...

 

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Rebelote pour le planning, l’organisation des journées...

 

J’espère y arriver...

 

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7 février 2018

Peseur... qu’est-ce que c’est que cette bête ?

Un peseur laitier est un employé du Syndicat du Contrôle Laitier. Il travaille avec les contrôleurs laitiers, les conseillers, et les éleveurs.

 

Le contrôle laitier est un service, payant (évidemment) proposé aux éleveurs laitiers, bovins, caprins, ovins.

 

Suivant la formule souscrite par l’éleveur, une ou deux fois par mois (deux traites qui se suivent, matin-soir ou l’inverse, ou seulement une traite, en alternance : matin un mois, soir le mois suivant) un agent (contrôleur, peseur) assiste à la traite, mesure la quantité de lait produite par l’animal grâce aux true-tests, appareils calibrés qu’on branche en dérivation sur le tuyau de lait des griffes, et qui prélèvent en même temps. Ou en pesant le lait à l’ancienne, avec un crochet peson, pour les traites au pot.

 

A chaque bête, l’agent prélève un peu de lait, qu’il réserve dans un flacon numéroté.

Les échantillons sont envoyés à Cézeyriat, dans l’Ain (en ce qui nous concerne), où ils sont analysés pour évaluer les taux butyreux (matière grasse), protéiques (matière sèche) et cellulaires (inflammation, infection... de la mamelle ou de l’organisme). Les cellules sont plafonnées à 200.000 ou 300.000/mL de lait, suivant les laiteries. 

A noter que, maintenant, on peut également déterminer le statut gestationnel des vaches, à la demande.

 

Suivant le choix de l’éleveur, il peut recevoir les résultats tels-quels, ou avoir un "conseil" avec : dans un cas comme dans l’autre, ces analyses servent à évaluer la santé de la mamelle et de la bête en général (l’éleveur de lundi m’a montré une vache à qui la véto à fait une ablation totale d’un onglon postérieur : elle avait une infection profonde dans l’onglon, qui ne passait pas, il a fallu amputer. Cette vache était à plusieurs millions de cellules ; du jour où l’onglon a été enlevé, le taux est redescendu d’un coup, et elle fait partie des plus basses à présent), l’état de la ferme (une mauvaise hygiène ou routine de traite, un paillage insuffisant, un curage trop rare... peuvent provoquer des cellules), de la machine à traire (mal réglée, une machine à traire provoque aussi des cellules, la prolifération de germes, et des blessures), la composition de la ration (une ration mal équilibrée donne des taux inappropriés, voire des cellules, encore).

 

Les techniciens, conseillers... peuvent avoir des entretiens particuliers avec les éleveurs, au cours duquel ils analysent toutes ces données et donnent des conseils adaptés et personnalisés à l’éleveur et sa ferme.

Mais ça, c’était la branche de Philomenne, que vous pouvez lire ici.

 

J’ajouterai aussi que le peseur n’est pas simplement le gus qui vient poser ses flacons dans la salle de traite ou l’étable mensuellement. C’est aussi un lien hyper important entre les éleveurs (même si on est soumis au secret professionnel, évidemment), avec le "monde extérieur", un interlocuteur privilégié pour plein de choses : pas vraiment un ami, mais plus qu’un étranger, souvent les éleveurs se confient.

En plus le peseur a son passé (bon, moi, c’est particulier je crois), et l’expérience des autres fermes, des autres systèmes. 

De passage, il voit plus facilement les dysfonctionnements, et les solutions possibles.

 

J’ai un souvenir fort d’une discussion que j’avais eue avec mon ami Nicolas, peseur Breton perdu en Haute-Savoie : on fait partie, les contrôleurs, peseurs, conseillers, remplaçants... d’un genre de "péri-agricole" ; souvent perçus comme des touristes par les éleveurs (on est salariés, hein... donc les congés payés, etc... même si on ne les prend pas, on a l’étiquette), finalement on vit autant qu’eux les difficultés quotidiennes du monde agricole. Les liens qu’on tisse avec certains font que les problèmes nous font souffrir autant qu’eux ; et étant les représentants des bureaux qui font payer leurs services, on s’en prend, aussi, souvent plein la gueule. 

Des fois c’est lourd.

(D’ailleurs, Nico, si tu as des trucs à rajouter... n’hésite pas ;) )

 

En résumé, la pesée, c’est quand même important. Moi, quand j’étais vachère, j’aimais beaucoup les jours de contrôle, ça me permettait de revoir les peseurs, que j’aimais beaucoup, et de prendre des nouvelle de mes agriculteurs et mes troupeaux.

Nico (toujours lui) les connaissait presque aussi bien que moi, ce qui nous permettait de parler de vaches en particulier...

 

Demain je pèse chez le gars qui déneige le secteur, il m’a dit que peut-être il sera en retard, suivant ce qui tombe cette nuit. Il trait au pot.

C’est pas grave, j’ai toujours un livre dans mon sac, et au pire, je ferai le fumier et monterai les pots en attendant...

 

6 février 2018

C’est parti pour de bon !

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Hier soir, j’ai reproduit cette action que j’ai tellement souvent réalisée en Haute-Savoie : mon listing, mon téléphone, je numérote, vérifie cinq fois que c’est le bon numéro (j’avais oublié ma dyscalculie, c’est un peu handicapant en fait), et appelle.

"Allô, monsieur J. ? C’est La Vachère, la nouvelle peseuse ! Chef m’a dit que je devais peser le matin chez vous, demain matin, c’est bon ? À quelle heure ? La ferme est où exactement ? D’accord, merci beaucoup, à demain !"

 

Première pesée "en autonomie", normalement je fais avec quelqu’un pendant une semaine, mais là, personne n’est dispo.

 

Ça commence bien, suite à un quiproquo, la liste de pesée n’est pas disponible sur l’application smartphone. 

J’envoie un sms à Chef, qui me rappelle pour préciser deux-trois trucs, convenir du programme de la semaine, et m’envoyer la liste par mail.

 

On n’a plus d’encre, je dois donc recopier la liste à la main. Numéro de flacon, nom, numéro national, numéro de travail, numéro de lactation, numéro de contrôle, lait précédent.

Une vingtaine de vaches, allant de Cajoline (toujours tarie) à Mimosa (pas encore vêlée).

J’aime bien ces listes, ça me permet de faire un peu connaissance avec le troupeau et l’éleveur avant la rencontre : combien de lactations, durée de la lactation, quantité de lait, race... et surtout prénom : par exemple, je peux deviner que cet éleveur est gourmand, qu’il aime ses vaches, et a des soucis de reproduction. C’est pas mal non ?

 

Après une nuit agitée (ces saloperies de dents, pauvre Lutin), rebelote pour mon rituel têtée-habits-café-madeleines.

Je situe à peu près la ferme, les vues aériennes des sites de guidage sont une invention formidable.

Je roule tranquillement, il fait pas trop froid, 0°C environ, mais je me méfie du gel. J’arrive sans encombres, escortée par des chiens.

 

8 vaches à traire, des montbéliardes cornues, au pot (deux pots). Quelques top-models, jolie mamelle, morpho superbe (aaaah... Giroflée, 4e veau, une silhouette de génisse... Frou-Frou, grande, fine, haute, belle tête, et Victoria, nouvelle achetée, malheureusement écornée, mais très grande, baraquée, costaud... superbe !), et surtout douces et câlines...

 

D’ailleurs, vous voyez ? Je les ai vues moins d’une heure ce matin, j’ai déjà retenu des vaches (les noms je les ai tous en tête, mais je ne suis pas allée cajoler chacune d’elles) ! Je suis indécrottable...

 

Et, bonus : j’avais raison sur tous les points pour cet éleveur. Il est gourmand, et le reste aussi ! 

On a discuté un moment, je lui ai suggéré de clôturer un bout plat (s’il a) contre l’étable, pour sortir les vaches un moment chaque jour, histoire de repérer plus facilement les chaleurs, assainir un peu les pieds avec la neige, et les délasser. L’idée lui a plu.

Le mois prochain, il faut que je le note, je lui suggérerai de repérer la "souffleuse" (le terme exact m’échappe pour le moment), la vache qui mène dès qu’une copine est ou va être en chaleurs, et de la lâcher sous surveillance dans l’étable, si besoin...

 

Je suis rentrée, 15-20 minutes de trajet. Mais la journée n’est pas finie.

Café-croissant avec le Viking et le Lutin, ensuite douche intégrale au savon parfumé, et lessive de tous mes vêtements : la prochaine pesée est jeudi matin, et l’homme a une tolérance toute relative à l’odeur de vaches. Les années chaotiques et compliquées au Service ont laissé des traces chez lui aussi...

 

Dans l’après-midi, le Chef vient à la maison faire le point, récupérer le contrat, m’expliquer deux-trois trucs, programmer plus avant le mois, et répondre à mes questions.

Et voilà.

 

C’est officiel, signé... je suis peseur laitier.

 

La vie est étrange, ou alors j’ai beaucoup de chance. À 30 ans, en 14 ans, j’ai déjà signé trois (TROIS !) CDI. 

Chaque fois que j’ai décidé de prendre/reprendre sérieusement une activité professionnelle, j’ai un cdi qui s’est présenté, et un contrat signé dans les jours suivants (trois semaines pour le Service, le temps de trouver un logement).

 

Et, après discussion avec mon Normand, on est tombés d’accord : je me réserve la possibilité de reprendre ma vocation : vachère remplaçante.

 

Les gens du secteur à qui j’ai parlé m’ont regardée comme s’ils voyaient une licorne, après que je me sois présentée : une remplaçante, expérimentée, passionnée, qui maîtrise tous les systèmes, la fabrication, ET LES TRACTEURS !!! Et les pentes ! Miracle ! 

C’est la dèche en remplaçants dans le coin.

J’ai comme l’impression qu’au bout de vingt minutes de discussion les éleveurs seraient capables de sauter dans leur voiture et tout me laisser, pouf, comme ça, si seulement je leur disais "allez... c’est bon va... sauvez-vous, je gère tout".

C’est vertigineux.

 

C’est un peu bizarre aussi. C’est presque les mêmes vaches, les mêmes gens, la même "moi"... mais ici je ne suis encore personne, déjà tellement riche des années passées et des expériences, mais personne ne le sait vraiment.

Je rentre dans les fermes par une autre porte, mais je suis tellement à l’aise et euphorique que ça me semble normal.

En même temps, j’ai déjà tellement fait cette démarche, contacter, rouler, me présenter, observer... que c’est dans la continuité.

 

Et donc, j’envisage de proposer mes services, à l’occasion, et uniquement à mes conditions : à moins de 20 minutes de la maison, avec des horaires de traite arrangeants pour nous (genre tôt le matin et tôt l’après-midi), traite qui ne dure pas deux heures, possibilité, si besoin, d’emmener ma fille...

Dit comme ça, c’est un peu la recherche du loup blanc, mais parti comme c’est parti, ça va bien me trouver quand j’aurais envie de m’occuper d’un troupeau pour de bon !

 

Ca fait un bien fou de retrouver les vaches, les agriculteurs, et la route. J’en profite.

5 février 2018

Musique !

Cinq heures du matin. La mélodie de "Washington Square", de Chinese Man, fait entendre ses premières notes. Je me réveille pour de bon, éteins mon réveil.

Je fais téter ma fille, lui explique tout bas que je vais aller travailler pendant qu’elle dort, papa reste avec elle, je reviens après, et la recouche endormie.

Lui n’a pas bougé, ni bronché.

 

Je descends silencieusement, enfile mes vêtements préparés la veille devant la cheminée : pantalon en grosse toile plein de poches, sous-pull thermique, pull.

Café-madeleines, j’hésite à remonter embrasser le Viking, renonce, quand... "tap tap tap..."... des petits pas en pyjama se font entendre à l’étage. Je guette... l’heureux papa n’a rien entendu, il dort comme un bienheureux, n’a pas bougé.

Bon.

Je monte... en haut, à la barrière, un petit lutin blond : "maman ?"

Un câlin tout chaud, plein de bisous, un rappel de la matinée à venir et des caresses plus tard, je la recouche, sur son père que j’embrasse.

 

Cette fois-ci c’est la bonne. Un dernier coup d’oeil, je me chausse, et sors.

 

Il neige, dru. Et ça tient. Super, l’heure de route va être simple.

Je referme la porte, repousse les volets - il faudra les lubrifier, ça grince - déneige la voiture et m’installe.

 

Quand je démarre, la voix de Joakim Brodén et la musique martiale de Sabaton éclatent dans l’habitacle.

 

L’excitation me noue les tripes.

Je manoeuvre, je pars.

 

Une heure à traverser les Monts d’Ardèche, au volant d’une voiture que je connais mal, de nuit, sous la neige qui s’accumule. Rythmée par la musique de The White Buffalo, Sabaton, Skuggsja, Chaman...

 

Je croiserai le premier chasse-neige à 6h30 pile.

 

Enfin, 6h50, j’arrive sur le parking de covoiturage où ma nouvelle collègue et formatrice du jour m’attend. On repart, elle montre le chemin.

 

Quand on arrive, c’est déjà préparé. 

 

Une bouffée d’émotion me fait tourner la tête quand je sens ces parfums, entends ces bruits... on salue, je me présente, et pendant que ma collègue s’installe, moi je charge mon nouveau matériel dans ma voiture.

 

L’éleveur appuie sur le bouton... c’est parti.

 

Hier soir, le Viking m’a sermonnée : "tu ne touches PAS aux vaches !!! Tu ne nettoies pas une seule mamelle ! Je te connais ! Et t’es pas là pour ça !!!"

 

Evidemment, j’ai désobéi.

 

J’étais euphorique, avec l’éleveur on a discuté, blagué, mon passé et mes compétences l’ont fait rêver : ils ont besoin de remplaçants, dommage que je sois si loin, en plus je fais aussi les tracteurs, et tous les systèmes, ah, vraiment, c’est dommage.

 

Ma collègue m’explique, le "bâton", le smartphone, les puces dans les tubes de tru-test...

 

Le reste, je connais déjà. La technologie est passée par là, mais à part ça, le métier n’a pas changé.

 

Fin de la traite, l’éleveur nous paye le café, on discute encore, du métier, de la météo, de l’avenir, des vaches...

 

Et puis il faut rentrer. Mon bébé me manque, le Viking est en congés.

Je recommence demain matin. 

 

Voilà, c’est acté. 

Je suis de nouveau peseuse au contrôle laitier.

 

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