Une petite fin....

Mercredi 15 mai, 20h. Fin de la traite...

Mon téléphone portable bippe dans ma poche. Un message de BobineLover : "Il est là le patron ou il est en réunion ? S'il est là je l'appelle d'ici une trentaine de minutes, c'est officiel, la semaine pro je récupère ma ferme".

Et voilà.

Presque quatre mois jour pour jour, dernier "remplacement" chez les bisounours qui a duré un mois et demi, y compris les jours fériés.

Et c'est fini pour moi.... pour le moment.

Finis les petits dèj interminables, en tête à tête dans la cuisine, France Inter en fond sonore, chacun sa lecture, moi mon bouquin lui sa revue (scientifique, littéraire...), et parfois des commentaires sur ce qui se dit à la radio.

Finis les débats complètement farfelus sur n'importe quoi, les projets à la con pour s'exiler au fin fond de la Lozère avec tout le cheptel, si on gagne au loto.

Finies les rencontres imprévues avec le Fils-du-patron, beau jeune homme de deux ans de moins que moi, brun, yeux noirs, sourire éclatant, humour décapant, voix de basse, au cours du petit dèj.

Finis les fous rires, tous les trois le nez dans notre bol, quand on se raconte nos mésaventures en tous genres.

Finis les débats sans fin sur le thème "on n'a plus de place dans l'écurie, qui est-ce qu'on ne va pas vendre ?", à deux ou trois, (avec ou sans le Fiston), pour en arriver nulle part, après quatre ou cinq énumérations de l'ensemble du troupeau, on reporte le problème à plus tard.

Finis les "reproches" mutuels : "patron, vous êtes infernal avec vos vaches, 4% de renouvellement cette année, vous abusez ! normalement c'est 25 !" (en théorie, on devrait envoyer un quart du troupeau à l'abattoir, par an, en moyenne, pour renouveler...) et ses réponses "oh ben tu peux parler, t'es pire que moi avec les vaches ! c'est ta faute si je me décide pas à en vendre !"

Finis les meuglements de l'intégralité des bêtes quand j'arrive l'après midi, parce qu'elles veulent des câlins, ont faim, demandent de l'attention.

Je ne crierai plus "Hymette, ta gueule, j'arrive !!!" quinze fois par jour parce qu'elle meugle pour avoir des câlins.

Pas la peine de donner quinze mille recommendations à BobineLover, il les aime bien assez. J'ai peut-être donné quelques "mauvaises" habitudes aux génisses et vaches, mais elles n'ont pas manqué d'amour et de câlins. Et elles répondent chacune à leur prénom.

Elles m'ont apporté énormément, aussi. J'ai pu les observer des heures durant, et ont été mon plus grand soutien pendant mes plongées "dans le noir".

J'ai travaillé quatre mois en compagnie de personnalités uniques, toutes plus attachantes les unes que les autres.

Moi qui n'ai jamais été foutue de me lier avec mes camarades de classe, j'ai réussi à faire partie de cette entité qu'est le troupeau. Ca fait tout drôle...

Ce matin, avant-dernière traite, elles ont été douces, câlines, prévenantes... Tout était comme du coton.

On verra ce soir...

En tout cas, hier, j'ai eu un merveilleux cadeau de "fin de mission" de la part de la ferme : une renarde a manifestement fait son nid sous le stock de paille dans le bâtiment des génisses, et deux renardeaux sont venus me voir, sur les bottes, pendant que je soignais les veaux.

Ils se sont approchés, tout près tout près, et on est restés à se regarder pendant de très longues minutes...

Décidément, cette ferme n'a pas fini de me surprendre...

Comments

[fusette]

Tout n'a pas forcément une fin..comme le dit ta conclusion..

Bonne continuation dans une autre ferme..une jolie manière d'accumuler les souvenirs que tu sais si bien décrire et écrire..

Une bise pour toi et une caresse à ton compagnon..à 4 pattes..

[martinev]

<c'est toujours difficile de dire au revoir mais la vie continue, sûrement pleine de surprises. Les renardeaux s'apprivoisent très bien mais ce n'est sûrement pas leur rendre service. A bientôt... ailleurs?

[HecateLomewen]

Un joli post, quasiment poétique, avec plein de douceur et une impression d'apaisement.

Comme dans mon métier, il y a parfois des instants "magiques" dont on se souvient longtemps après...

[Antoine]

Zêtes trop sentimentale, tiens ! mais c'est notre réalité... on le cache bien, mais on succombe quand personne nous voit...

Epousez le fiston, cette ferme vaut bien un sacrifice ;-)

[les bredins]

On est de tout oeur avec toi notre attachante jeune vachère. Bises de 2 bredins.