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La Vachère d'A Côté
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22 décembre 2011

La ferme Bisounours

En ce moment, j'en chie.

 

Mais grave.

 

Physiquement, moralement... Je sais plus si j'ai déjà été sur une ferme aussi difficile.

 

Une "stratégie d'élevage" complètement différente de ce que je connais ; un lot de vaches en fin de lactation ; un évacuateur à fumier qui cafouille à mort, tellement que le matin je dois sortir le fumier en deux fois ; un néon et une ampoule grillés, ce qui fait que j'ai une dizaine de vaches (en milieu de travée) pas éclairées ; etc...

 

Les vaches sont vives, speed, je dois toujours me méfier, esquiver. 

 

Y'a des fuites dans les toîts, il pleut dans la grange, ça passe par les trappes, et mouille dans la crêche et mon tas de paille dans le couloir derrière les vaches.

 

La machine à traire est pleine de fuite, de prises d'air, les prises à lait soufflent, les pulsateurs tapent pas régulièrement...

 

C'est usant.

 

Alors je rêve, je repense à la ferme qui m'a fait la plus forte impression, la ferme Bisounours, chez monsieur Violette.

 

J'en ai un super souvenir.

 

Le matin, j'arrivais, allumais l'étable, la laiterie, bonjour mes filles... Des meuglements et des regards doux m'accueillaient.

 

Quand je passais dans la crèche devant, je me faisais lécher, baver, câliner...

Elles laissaient la tête dans le passage pour que je les caresse et gratouille, autant les toutes jeunes que les vieilles.

 

Quand j'arrivais derrière, elles se décalaient sans que je ne dise rien, sans précipitation, calmement.

Tournaient la tête pour un bisou, une caresse.

 

Ne tapaient jamais. N'ont JAMAIS levé un seul pied quand j'étais à côté.

Pas besoin de les piquer pour qu'elles donnent le lait, avec les postes à décro j'avais le temps de gratter celle ci, caresser celle là...

Pas vraiment de favorite pour moi, Violette, tellement grosse, en fin de gestation, que je lui grattais le ventre à la fourche, et tellement gâteuse sous l'étrille ou la main qu'elle en tombait ; elle me chargeait au galop dans le pré, quand elle me voyait, pour que je lui gratte le nombril ou les oreilles.

Aphrodite, qui refuse de rentrer à l'étable si je lui ai pas fait un câlin dans le pré avant.

Cerise, qui me suivait comme un chien alors que le patron et son vacher en chiaient pour la rentrer.

Bobine, qui veut ABSOLUMENT son câlin avant la fin de la traite.

Clémentine, avec sa tache noire sur la cuisse et sa curiosité.

Cannelle, qui arrive à me déshabiller en deux coups de langue.

Umagne, Billie, Carla, Tsigane, Tisane, Vahinée, Douchka...

 

La dernière fois que j'y suis allée, c'était en mars. Je me souviens de tous les noms !

 

Mais y'a pas que les vaches !

 

Les veaux, qui sont plus affamés de caresses que de lait, qui font des vrais câlins, pas forcément baveux !

 

Une fois j'en ai un qui avait défait le noeud de sa longe et était allé se promener autour du bâtiment, quand je l'ai appelée elle est venue en trottinant, et m'a suivie comme un chien jusqu'à sa place !

 

Les jeunes, génisses prêtes, celles d'un an, celles plus jeunes, qui m'empêchaient de pailler leur loge à force de me coller, mentons sur l'épaule, une tête sous un bras, la dernière qui bouffe ma fourche, et le taurillon qui bourre tout le monde pour avoir son lot lui aussi !!!

 

Boulot pas facile, certes, beaucoup de choses (maïs, croquettes, paille... tout en fait) à faire à la main. Mais une ambiance particulière, douce, calme, paisible.

 

Les bêtes ont toutes le poil super brillant, sont bien rondes...

 

Le patron, connu, est plein de rides de sourire, toujours en train de rire, avec des histoires incroyables et vivantes. 

Sa mère, douce, gentille, qui nous fait des madeleines, des gâteaux, des pains d'épices.... pour le quatre heures, qu'on mange en buvant du thé au jasmin.

 

 

Le casse-croûte du matin, le soleil dans la cuisine lumineuse exposée à l'est, France Inter à la radio, juste le patron et moi, lui qui s'enfile ses deux litres de thé et moi mon bol de chocolat, l'odeur du pain grillé...

 

 

Paradoxalement, quand j'étais là bas j'étais pas bien, perdue, dépression saisonnière, l'hiver était presque fini mais l'année toute tordue. 

J'avais le cafard, vrai, celui qui fait voir le noir partout, des fois je m'asseyais sur une botte de paille et pleurais, pour rien.

 

Mais je crois que l'ambiance particulière de cette ferme a fait beaucoup pour moi, la douceur de ses bêtes, la situation, sur une butte, bien exposée, avec les splendides lumières toute la journée...

C'était un vrai plaisir d'aller y travailler, je sautais du lit le matin, même si j'étais épuisée par les cauchemars.

 

J'ai encore toutes les odeurs de là bas en mémoire, je croise les doigts et espère pouvoir y retourner, pour me reposer.

 

Des fermes comme ça, c'est la seule que je connaisse je crois.

C'est vrai, on y a perdu une vache, Valence, dont j'ai déjà parlé.

Mais j'avais Farandole, ma vêle si câline, Aphrodite, sa mère si bien nommée... Athéna...

 

C'est aussi un des plus grands avantages de ce métier : quand on est dégouté des hommes, parfois, on tombe sur une exception.

 

Ma ferme Bisounours....

 

Une des plus chères à mon coeur !

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Commentaires
O
Je te comprends ma grande, surtout quand tu compares les deux fermes!! Mon dieu, çà donne envie n'empêche!! Allez bon courage surtout, c'est qu'un mauvais moment à passer, t'en as vu des vertes et des pas mures alors une de plus ou...<br /> <br /> Bisous!!!
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M
Bon courage, les bonnes choses ont une fin mais les mauvaises aussi même si le temps paraît deux fois plus long
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P
Et sinon, un chouia d'investissement dans une réparation du toit et une révision de la trayeuse ? Non, parce qu'une machine à traire qui fuit de partout, comme ça, ça doit faire une sacrée lypolise... je dis ça, je dis rien...<br /> <br /> Mais je vois que tu arrives à chercher des ressources dans tes bons souvenirs. C'est vrai que les fermes où tout se passe bien, où les animaux sont bien soignés, ça fait plaisir.<br /> J'espère que ton remplacement actuel ne sera pas trop long.
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L
"La machine à traire est pleine de fuite, de prises d'air, les prises à lait soufflent, les pulsateurs tapent pas régulièrement..."<br /> <br /> Avec une telle machine à traire, le taux de mammites doit être effrayant !<br /> Bon courage !
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