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Humaine
Y'a un truc que certains agriculteurs ont l'air d'oublier.
La Vachère est humaine.
Si si !
Avec tout ce que cela implique : un corps sentient et sensible, avec ses limites, et une âme, un cœur (???), des sentiments....
Et qui plus est, c'est un individu assimilé féminin, avec plein de trucs comme des hormones à la con et une sensibilité différente. Pas qui pleure pour un ongle cassé (arraché, par contre.... je sais pas, mais ça doit faire vraiment mal) ou qui hurle devant un bébé araignée, mais quand même.
Donc, ça arrive que la vachère soit malade.
Non, jusqu'à présent, même en me trainant un rhume handicapant (vous avez déjà essayé de bosser correctement avec les yeux aveuglés à cause de la crève qui les fait gonfler et couler, le pif en sang à force de se moucher, la tête comme une pastèque, et en apnée les trois quarts du temps ? sans compter que ça casse partout ces saloperies), en me tapant des 39-40°C de fièvre, une otite qui m'a rendue sourde d'une oreille et m'avait bousillé mon sens (précaire) de l'équilibre, ou autres joyeusetés (les tendinites, j'arrête une semaine quand je ne peux plus lever le bras pour toucher mon nez, ou tenir une fourchette), je n'ai JAMAIS manqué à l'appel, sauf avec arrêt du médecin (deux fois pour des tendinites agravées, une fois après m'être fait piétiner par un cheval quart de trait, ferré, au galop).
Par contre, quand je dois faire du bois, brasser des trucs, ou faire des travaux de force alors que je suis sur les rotules parce que malade comme un chien.... En général je l'ai un peu mauvaise.
J'essaye d'être constante, consciencieuse, efficace, alors quand je suis cassée, que je suis sur la même même ferme depuis plusieurs jours (semaines ?) et que j'y resterai encore un moment, j'aimerais qu'on aie pitié et qu'on me foute la paix, qu'on me donne le minimum à faire....
Même dans état de loque avancée, j'ai toujours été à l'heure pour traire, même si c 'était à 5h du mat.
La vachère, elle a des gros problèmes avec la pleine lune entre autres, et a des périodes terribles de nuits pires qu'agitées ; et tout le monde en prend pour son grade, entre le compagnon qui résiste vaillamment et passe la nuit dans le lit aux côtés de sa pas tellement douce qui le rotopile à coups de pieds, de poings, de dents.... Quand elle ne l'éjecte pas du lit violemment, ou l'engueule.... ; les bêtes, qui se font pourrir au milieu de la nuit, parce qu'en plus elle est somnambule ; et elle-même, qui se réveille épuisée le matin, voire en larmes, à cause de cauchemars horribles dont elle ne garde aucun souvenir (ou des fois si, mais ça vaut guère mieux).
Donc, certains matins, elle arrive avec les yeux ouverts, mais vraiment le strict minimum, et si elle a souvenir de cauchemars, elle est mal pendant toute la journée.
Mais ça l'empêche pas de bosser.
Par contre, quand elle dit, dès le matin "j'ai passé une super mauvaise nuit", il serait de bon ton de pas trop la chercher...
La vachère, aussi, je l'ai dit, c'est un assimilé féminin.
Donc, comme toute femelle mammifère qui se respecte, elle a un cycle.
Et tout ce que ça comporte : SPM (syndrôme pré-menstruel) pas trop marqué heureusement, mais y'a des fois... périodes "à conneries", et.... les menstrues (ça fait très médiéval ce mot, j'aime bien.)
Et ça, ça implique quoi ?
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que son humeur est souvent exécrable, (pire que d'habitude dirait mon adorable frangine) et les bêtes, ruminants, canidés, et autres équins, ont intérêt à filer doux (en général ils le savent), et qu'il vaut mieux que le truc qui lui résiste soit très solide s'il veut pas se retrouver en deux morceaux distincts (pas encore dégondé de porte, mais j'ai déjà redressé des barres de "guidage", là, les barres de protection en tube, sur les andaineurs et pirouettes, à la force des bras, juste parce que j'étais "un peu tendue".... sinon, dans ces périodes, j'aime bien aller faire des clôtures, taper à la massette sur les piquets en fer, ou faire les pré-trous à la barre à mine ou au presson et taper à la masse sur les piquets en bois, ça me défoule, ça me fatigue, et si je suis toute seule c'est aussi bien, je me fatigue toute seule à marcher dans les prés)
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qu'elle devra passer un petit peu plus de temps aux toilettes une à deux fois par jour ;
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qu'elle râlera (encore) qu'elle a mal au dos ;
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que si le patron la trouve en train de se tordre de douleur en gémissant (voire en pleurant pour certaines fois plus "dures" que d'autres) au milieu de la salle de traite ou entre deux vaches, vaut mieux qu'il passe son chemin sans se faire remarquer s'il veut pas risquer de se prendre un pot de traite (vide ou plein, ça dépend) en pleine poire.... :) (la douleur, ça m'énerve, me fout en colère, parfois dans une colère noire et de type "fulminante", et quand je suis en colère comme ça, je me tiens solidement, sinon ça vole).
Ah oui, en général je suis encore plus grossière que d'habitude (et c'est déjà pas joli en temps normal), et je lâche des bordées de jurons monumentales quand j'ai une crampe ou un élancement dans le dos. Je râle, je gueule, j'en ai ma claque de ce p***** de m***ier à la c** qui me fait c****, b***** c'est pas possible d'être aussi m***ique, ça commence sérieusement à me les briser !!!!
Et ce, pour rien du tout.
Moi, ça me fait rigoler, honnêtement. C'est des périodes où j'ai une énergie monstre (alimentée par la colère, elle-même alimentée par la douleur), la dernière fois j'ai failli casser en deux un bout de poutrelle de bois sur la tête d'une saloperie de taureau qui venait de me charger !
D'ailleurs, si vous voulez tout savoir, c'est moi qui ai couru sur le taureau, morceau de bois brandi, en hurlant et le traitant de tous les noms, et quand j'ai tapé le taureau a secoué la tête et titubé quelques minutes, puis s'est éloigné ! :D
Et puis aussi, la vachère a une vie, aussi (enfin... aurait pu avoir....).
Avec un compagnon qu'elle aime, chérit, et voudrait pouvoir voir un peu de temps en temps, au lieu de se croiser le soir, quand elle rentre et s'écroule, ivre de fatigue, sur le canapé, puis se traine jusqu'à la salle de bains, se re écroule sur le canap, mange un bout à coté de lui, et s'endort comme une loque en bavant sur le dossier du canapé, ou, s'il a moins de chances, sur ses genoux....
Elle le trouve vachement super beau son viking, elle voudrait pouvoir admirer son profil, quand il bouquine avant de dormir, dans le lit... plutôt que d'avoir même pas le temps de dessiner ses traits du bout des doigts, lui dire "je t'aime", et s'endormir.... Des fois, elle se couche, il éteint la lumière du salon, et entre dans la chambre, elle dort déjà... Il y a trois pas entre le bouton de la lumière et la chambre....
Elle a aussi une famille, elle a pas poussé dans une botte de foin !!! Famille qui vit à 140km, qu'elle voit certains week-ends...
Alors quand elle se tape la route, elle aime moyen devoir repartir le dimanche dans l'après midi parce que les patrons veulent qu'elle fasse la traite le dimanche soir...
D'ailleurs, c'est sujet à disputes avec le Viking...
Et puis la vachère, des jours ça va, puis des jours non, elle a le vague à l'âme et le cœur en vrac, pour une raison, une autre, ou pour rien du tout.
C'est pas superwoman non plus, elle connaît son métier, mais pas la ferme, quand elle arrive. Elle peut pas deviner le fonctionnement des choses, des bêtes, des gens, les habitudes de chacun.
Et malgré l'ancienneté, elle arrive encore à se foutre malade de stress et de tension quand elle doit assimiler une ferme entière en quelques heures, parfois moins.
Mais tout ça, les agriculteurs s'en rendent pas vraiment compte, pour eux ça coule de source, on fait ça comme ça et ça comme ça. Oui, mais là-haut, ils font plus comme ci, et puis on sait pas où sont rangés les outils, quelles sont limites...
Si on peut faire comme chez soi et fouiner partout pour trouver ce dont on a besoin, ou s'il faut surtout pas bouger un orteil sans autorisation ; si on fait "comme on le sent", ou s'il faut faire les choses précisément, au centimètre comme le patron.
C'est aussi une sacré tension les premiers jours, pour prendre les marques.
La vachère le sait, certains le disent aussi, mais c'est pas évident comme métier, et peu d'agriculteurs installés seraient capables d'assurer le Service en suivant autant que possible "l'esprit" de l'exploitation. Mais est-ce qu'ils s'en rendent compte ?
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